Champagne-Ardenne

La production de sifflets en terre cuite dans le nord-est de la France est quasi inconnue en dehors de l’Alsace. La présence d’un sifflet provenant des Ardennes dans la collection du MuCEM est donc remarquable.

Ce sifflet à eau de Vouziers, donné en 1888, et ayant fait l’objet de restaurations avant son acquisition, est sans doute plus ancien.

La quasi-absence de sifflets trouvés dans cette région ne doit pas conduire à penser que cette production était exceptionnelle. Il est plus probable qu’elle a disparu très tôt dès la fin du xixe siècle.

Fig. 3. Coucous en terre rouge d’Argonne, XIVe siècle. © Pierre Catanès

Ill. 1 : Fig. 3. Coucous en terre rouge d’Argonne, xive siècle2.
© Pierre Catanès


 

Vouziers, à la limite des Ardennes, se situe dans le massif de l’Argonne où de grands centres potiers ont existé dès l’Antiquité. On connaît ainsi des « coucous » en forme de poule en terre cuite produits à la tuilerie du Claon (Meuse) vers 1875 grâce aux dessins (ill. 1) de l’archéologue Georges Chenet (1881–1951), à la suite de la découverte d’un sifflet gallo-romain qu’il fit en 1921 à Lavoye (Meuse)1.

Georges Chenet fit le parallèle entre cette découverte et la production de sifflets dans les ateliers de la vallée de la Biesme, affluent de l’Aisne à la frontière entre la Marne et la Meuse, où était installée la célèbre manufacture de faïence des Islettes (en Lorraine) – en réalité de l’autre côté de la rivière par rapport au village des Islettes au Bois d’Épense (Champagne-Ardenne) où résidaient les ouvriers.

« [...] Les tuiliers de la vallée de la Biesme, il y a quelques années encore, pendant leurs heures de loisirs, en [NDA : des sifflets] modelaient de semblables figurant habituellement les oiseaux de basse-cour qu’ils avaient autour d’eux ; ces coucous rouges servaient à l’amusement des petits mais aussi ornaient la corniche des cheminées ou étaient placés en parade sur le vaisselier de chêne ; pour beaucoup de nos tuiliers l’oiseau d’argile était devenu en fait une sorte de symbole de la mise en œuvre de l’argile plastique car, à chaque printemps, au moment de la reprise de leurs travaux forcement interrompus par les gelées d’hiver, on pouvait les entendre redire : “L’alouette chante, c’est bientôt que nous allons refaire des coucous !”. Il me paraît donc assez logique de donner ici, figure 3, après celle de mon oiseau gallo-romain, l’image d’un couple de coucous modelés à la tuilerie du Claon vers 1875 et conservés encore en ce village. »

Ainsi a-t-on le témoignage d’une production importante qui, comme beaucoup d’autres sans doute, n’a laissé aucune trace dans les collections des musées.

Des sifflets à eau en forme de cruche ont été produits à Épernay. En 1963, une telle cruche était exposée au Mans, décrite de la sorte : « Cruche à anse supérieure, sur pied. Terre blanche vernissée, brun H : 963 ». Achetée en 1948 par un collectionneur privé, il n’est malheureusement pas possible de connaître son aspect exact.

La production de Champagne-Ardenne reste donc encore aujourd’hui largement inconnue.

Vouziers

Un sifflet venant de Vouziers est entré dans les collections du MET avec un ensemble de dix-neuf objets, dont neuf poteries du même centre, donné en 1888 par Henry Vincent, membre de plusieurs sociétés savantes et auteur en 1902 d’une Histoire de la ville de Vouziers, sa ville d’origine.

C’est un des rares témoignages de la poterie de ce centre à propos duquel MM. Lesur et Tardy nous disent seulement qu’« au xixe siècle, on y fit de la poterie4 ». Tous les objets de poterie donnés par Henry Vincent sont décrits comme étant vernissés de vert.

Parmi eux est décrite une cruche à deux goulots (1888.19.10) qu’il n’a pas été possible d’étudier pour la préparation de ce catalogue. Peut-être est-elle à l’origine de la forme du sifflet si particulier qui l’accompagnait et dont la partie sifflante est insérée à l’opposé du goulot ? En effet, ce type de sifflet reproduit généralement la forme des cruches locales.

1 Georges Chenet, « Un “Coucou” gallo-romain d’Argonne », Revue des musées et collections archéologiques, no 10, 1927, p. 337- 339.

2 Il s’agit probablement d’une erreur de frappe, le texte étant sans ambiguïté sur l’attribution au xixe siècle de ces sifflets.

3 Raymond Blanc (préface), Deux potiers de Prévelles, cat. exp. Le Mans, musée du Mans,1963, notice 144.

4 Adrien Lesur et Tardy (pseud. De henri-Gustave Lengellé), Les Poteries et les Faïences françaises, 1re partie, Paris, Tardy, 1957.