Roumanie
Vingt-sept sifflets en terre cuite des collections du MuCEM proviennent de Roumanie. Un seul témoigne de la production de la première moitié du xxe siècle. Il a été donné en 1956 au MNATP avec une collection de sifflets d’origine variée réunie dans les années 1920 (coll. 1956.126).
Dans les années 1960, plusieurs collections d’art populaire roumain ont enrichi le musée de l’Homme. Mme Comişel fait don en 1966 d’un sifflet (DMH1966.38.2). L’année suivante, le musée d’Art populaire roumain (Museu d’Arta Popolare) fait don au musée de l’Homme de dix-sept sifflets (coll. DMH1967.98). Quatre sifflets sont rapportés de mission en 1969 (coll. DMH1969.92) et un sifflet est donné par Colette Janković en 1970 (DMH1970.50.4). Cet ensemble est complété par trois sifflets donnés en 1983 et 1988 entrés dans deux collections d’objets variés (coll. DMH1983.47 et DMH1988.23).
Le sifflet DMH1970.50.4 donné par Mme Janković est un objet souvenir de la fête annuelle du mont Gaina dans les Carpates. En l’absence d’indication complémentaire, ce sifflet n’a pas été attribué à un centre potier roumain précis.
L’histoire
La tradition des sifflets en terre cuite en Roumanie est multiséculaire. Le plus ancien que l’on a retrouvé, qui est aussi un des plus anciens sifflets européens, a été découvert lors d’un chantier de fouilles franco-roumain sur le site du tell d’Hîrşova dans la province de Dobrogea. Ce site est représentatif des cultures de la fin du Néolithique et du Chalcolithique qui se sont succédé dans le bassin du Bas-Danube. Ce sifflet est daté de 4500 av. J.-C. et fonctionne encore1.
Dans son mode de fabrication, il se révèle identique aux sifflets toujours fabriqués aujourd’hui dans le județ d’Ilfov en Munténie dont le MuCEM possède de nombreux exemplaires. La tête de l’animal est malheureusement manquante et on peut juste supposer qu’il s’agissait, comme sur les sifflets actuels, d’une tête de bélier, de bouc ou de taureau.
S’il n’y a pas d’autres sifflets découverts en Roumanie datant des millénaires séparant la découverte d’Hîrşova des sifflets du xixe siècle conservés dans les musées roumains, le sol de la Hongrie voisine a livré un sifflet de l’âge du bronze2 fabriqué sur le même principe : une longue flûte tubulaire forme le corps de l’animal à l’extrémité duquel est ajoutée la tête et deux petits pieds. Un sifflet très similaire du xviie siècle a été découvert dans l’est de la Hongrie. Ces sifflets sont très proches de ceux qui sont toujours fabriqués dans la région de Baia Mare (ill. 1) dans le nord de l’actuelle Roumanie. On peut supposer une probable continuité de la production des sifflets depuis des millénaires. La technique de réalisation constatée dès le Néolithique ne se rencontre dans l’Europe d’aujourd’hui qu’en Roumanie.
Les lieux de production
Les centres de production de sifflets étaient nombreux en Roumanie. Les mieux connus sont ceux des régions de la Munténie et de l’Olténie dans le sud du pays. Les sifflets de Pisc, de Pucheni ou d’Oboga sont présents dans de nombreux musées roumains. Ils forment la majorité de la collection du MuCEM.
La production de sifflets en Roumanie ne se limite cependant pas à ces régions. En Moldavie3, les rares sifflets connus sont de type globulaire, en forme d’oiseau sur socle tronconique, comme en témoigne le sifflet de Rădăuţi de la collection du MuCEM. Mais la production y était sans doute plus variée, à l’image de celle de la république de Moldavie voisine.
La production de sifflets de Transylvanie est toujours abondante. Corund est le centre dont proviennent majoritairement ces sifflets mais la collection du MuCEM comprend un sifflet venant de Dumbrava de Sus, et les potiers continuent également à produire des sifflets dans le județ de Maramureş, dans le nord de cette région.
En Bucovine, des sifflets ont également été fabriqués à Marginea, célèbre pour sa céramique noire polie au galet.
Les lieux de fabrication roumains ont certainement été plus nombreux que les lieux cités ci-dessus. Ces figurines de poterie, principalement des sifflets et des tirelires, étaient produites dans beaucoup des centres potiers traditionnels où les formes des objets remontent souvent à la préhistoire4.
Les formes
Contrairement à de nombreux autres pays européens, les sifflets en forme d’oiseau ne constituent pas la majorité de la production. Chevaux, béliers, taureaux, personnages et cavaliers sont largement majoritaires même si les poules et coqs sont présents (ill. 2) comme dans toute l’Europe. Comme il a déjà été écrit ci-dessus, la majorité de ces sifflets sont des sifflets tubulaires ouverts où la flûte forme le corps de l’animal.
Les sifflets anthropomorphes roumains sont particulièrement remarquables. Femmes tenant un sifflet dans leurs bras, figurines primitives (ill. 3), etc., l’aspect archaïque de ces figurines a souvent été noté dans les ouvrages sur la céramique roumaine. De même que pour les sifflets en forme de femme tenant ou non un enfant dans les bras produits dans l’est de l’Europe, un lien est fait avec les figurines de déesses mères préhistoriques. Cependant, cette relation est loin d’être démontrée. Le sifflet est souvent lié à des fêtes célébrant le printemps et la fertilité, aussi la convergence des formes entre les statuettes féminines anciennes et actuelles n’implique aucunement la continuité. Le même contexte d’utilisation est insuffisant à expliquer les mêmes formes dans des cultures différentes.
De façon plus classique, les sifflets à eau représentent des cruches à col haut, sauf à Corund en Transylvanie, où ce sont principalement des sifflets en forme d’oiseau.
L’aspect très « archaïque » de nombre des sifflets anthropomorphes ou zoomorphes anciens fait regretter de ne pas mieux connaître les traditions populaires auxquelles ils devaient être associés. En Roumanie, la poterie est en effet liée à de nombreux rituels entourant la vie des habitants, de la naissance jusqu’aux funérailles, mais aucun texte n’indique pour les sifflets un autre usage que celui de jouet.
Transylvanie
La région de Transylvanie couvre, depuis 1918, le nord-ouest de la Roumanie et regroupe la Transylvanie historique, le Maramures, le județ de Satu Mare, le pays du Banat et la Crişana. De par la diversité de son peuplement, principalement Saxons et Hongrois, la région présente une grande variété de traditions potières. La production de sifflets y est encore très vivante.
Dans le nord, à Baia Mare, dans le județ de Maramureş, les sifflets reprennent le mode de production traditionnel des sifflets roumains formés autour d’une flûte tubulaire, mais le sifflet y est juste surmonté à son extrémité par un protomé d’animal, et stabilisé à son extrémité par deux petits pieds coniques (ill. 1). On rencontre de tels sifflets dans les découvertes archéologiques de la Hongrie voisine.
En Transylvanie historique, dans le județ de Harghita, le centre potier de Corund est un centre de fabrication très important de sifflets à eau et de sifflets globulaires en forme de cruche ou d’oiseau (ill. 4). Ces derniers sont caractéristiques car le sifflet tubulaire est inséré à l’arrière du dos et le remplissage d’eau se fait par la tête de l’oiseau, soit par le bec ouvert, soit par un trou ouvert au sommet de cette tête.
Cette production est différente de celle du reste du pays, ce qui peut s’expliquer par le fait que Corund ait été rattaché à la Hongrie jusqu’en 1918 et reste majoritairement habité par une population hongroise. On rattache sa production au groupe de la poterie hongroise. Cependant, dans le centre potier voisin de Danesti, lui aussi peuplé d’une forte majorité hongroise, étaient fabriqués, à la fin du xxe siècle, des sifflets formés par une flûte allongée terminée par une tête d’animal.
Corund est encore aujourd’hui un centre potier très important puisqu’en 1994, mille deux cents potiers y étaient recensés, travaillant dans quatre cent cinquante ateliers.
Cette production de sifflets moulés, en terre vernissée avec souvent un décor floral peint sur des glaçures très variées (ill. 5), est très répandue dans toute l’Europe depuis la fin du xxe siècle car elle est vendue dans de nombreux pays lors de foires ou festivals. Ils étaient sans doute réalisés par une des coopératives de production créées en 1944.
Dumbrava de Sus
Deux villages de Roumanie portent le nom de Dumbrava de Sus, l’un en Transylvanie et l’autre en Olténie. Emilia Comişel précise dans une note accompagnant le dossier du sifflet DMH1966.38.2, que ce sifflet, souvenir de la montagne Gaina acheté en 1962, a été fait par Anches Petru, âgé de quarante-cinq ans et que Dumbrava de Sus se trouve près de Brad. Cette dernière précision permet d’identifier ce village comme le Dumbrava de Sus situé dans le județ de Hunedoara de Transylvanie. Il n’a cependant pas été trouvé mention de production de sifflets dans ce village qui n’est pas cité dans les centres potiers roumains encore en activité au milieu du xxe siècle.
En revanche le sifflet à eau en forme de cruche de la collection du MuCEM a une forme semblable aux sifflets à eau produits à Corund, principal centre potier de Transylvanie5 .
Dans le centre potier toujours en activité d’Obârşa situé dans le même judeţ, la céramique est très présente dans les traditions funéraires6. Ainsi, une femme asperge tous les endroits où le cercueil a été posé avec une branche de basilic posé dans un pot, puis le pot est donné à la famille du mort. Le lendemain de l’enterrement, un petit pot est offert à la première personne qui entre dans la cour. Ces usages de la poterie dans les traditions funéraires se retrouvent sous diverses formes dans toute la Roumanie. En revanche, il n’est pas noté si les sifflets en terre cuite tenaient une place dans des rituels particuliers en Transylvanie.
Moldavie
Aux frontières de l’Ukraine et de la république de Moravie, la région de Moldavie est très connue pour sa production de céramique noire, en particulier dans le village de Marginea. Cette céramique polie au galet est apparue en Roumanie à l’âge du fer en Olténie, et était encore en usage à l’époque des Daces (iiie et iie siècles avant notre ère). Cette technique supplantée dans le sud par une céramique rouge, influencée par la céramique grecque et romaine, persistera en Moldavie où les Daces n’ont pas été soumis pendant la domination roumaine.
Des sifflets globulaires en forme d’oiseau sur socle tronconique ont été fabriqués à Marginea (ill. 6) mais, faute de découverte archéologique, il est impossible actuellement de savoir si la fabrication de ces sifflets était ancienne dans ce centre.
L’autre grand centre potier de cette région est Rădăuţi d’où vient le sifflet DMH1967.98.74.
Rădăuţi7
La ville de Rădăuţi, dans le județ de Suceava dans le nord de la Moldavie, fut fondée au xve siècle. C’est un des centres potiers les plus importants de la Moldavie du Nord. Sa production courante est proche de celle d’Olténie et de Munténie, mais ce centre est surtout réputé pour sa tradition d’origine byzantine, aux décors jaunes et verts anthropomorphes ou zoomorphes aux contours incisés. Il n’y avait plus que quatre potiers en 1938 et un seul demeure aujourd’hui, issu d’une longue lignée.
La production de sifflets dans ce centre n’est pas mentionnée dans la bibliographie mais le sifflet DMH1967.98.74 faisait partie des collections du musée d’Art populaire de Bucarest et son attribution à Rădăuţi est fiable. Sifflet globulaire en forme d’oiseau, il est très différent de la production des autres centres roumains.
Munténie
Partie orientale de la plaine du Danube allant du sud des Carpates au Danube, la Munténie possède une forte activité céramique. En effet, de nombreux gisements d’argile et la proximité de grandes agglomérations y ont depuis longtemps favorisé l’activité potière.
La production de sifflets en terre cuite est particulièrement abondante. Les villages de Pisc et de Pucheni sont les plus connus.
Pisc8
Pisc, village de la commune de Ciolpani dans le județ d’Ilfov qui entoure Bucarest, est le principal centre potier d’approvisionnement des marchés de la capitale. Connu depuis le xviiie siècle, ce centre comptait encore cent cinquante potiers en 1980, et soixante en 1994. Sa production céramique était souvent destinée aux commémorations des morts, les moşii, qui donnent lieu à des dons rituels de céramique. Ces commémorations se font trois, six et neuf jours après l’enterrement puis trois semaines plus tard, puis trois, six, neuf et douze mois et enfin sept ans après le décès, suivant le rituel orthodoxe.
La production y est ancienne et on peut supposer que les sifflets de Pisc étaient vendus depuis longtemps dans la capitale. Contrairement au déclin constaté dans d’autres centres potiers traditionnels comme Oboga (Olténie), la fabrication de ces objets « populaires » a été soutenue à partir de la moitié du xxe siècle par les commandes des musées d’ethnographie roumains pour alimenter leurs boutiques.
La production de sifflets de Pisc de la deuxième moitié du xxe siècle est ainsi bien connue. Cependant, il est plus difficile d’identifier la production du xixe siècle et du début du xxe siècle. Les sifflets anciens attribués à Pisc ou Pucheni sont très proches de ceux d’Oboga en Olténie. Femmes tenant dans les bras un sifflet, sifflets hybrides à corps de quadrupède et bustes d’homme, poissons (ill. 7), etc., les attributions des mêmes sifflets varient entre ces trois centres selon les ouvrages9.
Deux potiers sont connus dans la deuxième moitié du xxe siècle : Petre M. Gheorghe et Nicolae Marin.
La collection du MuCEM comporte plusieurs sifflets de Petre M. Gheorghe qui réalisait une poterie traditionnelle en terre vernissée. Son fils Dumitru Gheorge (né en 1953) continue aujourd’hui cette fabrication.
Curieusement, les fiches communiquées par le Muzeul de Artǎ Popularǎ accompagnant les sifflets de la collection DMH1967.98 dont proviennent les sifflets de Pisc ne mentionnent pas l’autre fabriquant du village, Nicolae Marin, mais on peut penser que beaucoup de sifflets non attribués de cette collection sont sortis de ses mains. En effet, le musée du village, qui acquit plusieurs sifflets pour constituer l’ensemble d’objets donné en 1967 au musée de l’Homme, lui achetait sa production pour sa boutique comme beaucoup d’autres musées roumains.
Né en 1919 dans une famille ancienne de potiers, Nicolae Marin apprit à modeler les sifflets à huit ans avec son grand-père, Constantin Marin Brezoierul et avec son père, Ilie Marin. Il cuisait sept cents sifflets par fournée dans un petit four simple. La cuisson durait huit heures environ. Sa production n’était jamais vernissée. En 1998, sa fille Florea Vasile (née en 1946) produisait depuis plusieurs années des sifflets du même type que ceux de son père : oiseaux, cerfs, dindes, ours, chiens10...
Les fiches communiquées par le musée d’Art populaire roumain avec les sifflets de la collection DMH1967.98 donnent de nombreuses indications sur la fabrication de ces objets :
« Les figurines sont modelées à la main et à l’aide d’instruments très simples – deux crins en bois de cornouiller et d’acacia pour marquer les oreilles, la crinière et une brindille de roseau pour marquer les yeux. Les figurines une fois modelées sont mises à sécher et cuites en une seule fois au four du potier. » « Ces figurines étaient des jouets pour les enfants du village et du district. Au passé, on les vendait aux foires de toute la région de Bucarest et dans les zones limitrophes des régions d’Argeş et de Ploieşti. »
- Sifflet tubulaire représentant deux oiseaux sur une soucheDMH1967.98.69
- Sifflet tubulaire en forme de coqDMH1967.98.70
- Sifflet tubulaire représentant deux poulesDMH1967.98.73
- Sifflet tubulaire en forme de coqDMH1967.98.76
- Sifflet tubulaire en forme de chevalDMH1967.98.78
- Sifflet tubulaire en forme de chevalDMH1967.98.79
- Sifflet tubulaire en forme de cavalierDMH1967.98.80
- Sifflet tubulaire en forme de cavalierDMH1967.98.81
- Sifflet tubulaire en forme de chevalDMH1967.98.82
- Sifflet tubulaire en forme de bélierDMH1967.98.83
- Sifflet tubulaire en forme de cervidéDMH1967.98.84
- Sifflet tubulaire en forme de bœufDMH1967.98.85
- Sifflet tubulaire en forme de filletteDMH1967.98.86
- Sifflet tubulaire en forme de boucDMH1969.92.11
- Sifflet tubulaire en forme de femme portant une pouleDMH1969.92.12
- Sifflet globulaire en forme d’oiseauDMH1969.92.13
- Sifflet globulaire en forme d’oiseauDMH1969.92.14
- Sifflet tubulaire en forme de chevalDMH1983.47.9
- Sifflet tubulaire en forme de cervidéDMH1983.47.10
- Sifflet tubulaire en forme d’oursDMH1988.23.2
Pucheni11
Pucheni est situé dans le județ de Dâmbovița à la lisière de la grande forêt de Vlăsiei, qui couvrait autrefois une grande partie du sud de la Roumanie. La région est une zone de production céramique depuis la préhistoire. Les villages de Pisc, Herasca et Cocioc sont des centres potiers voisins. Il est souvent difficile de différentier la production des uns et des autres.
La fabrication de sifflets y est traditionnelle. La fiche accompagnant le sifflet du MuCEM indique seulement qu’il provient d’un atelier rural de ce village et que ce sifflet, modelé à la main et décoré au pinceau, était un jouet, également acquis pour sa valeur décorative.
Sa forme est inchangée par rapport aux sifflets de la fin du xixe siècle conservés dans les musées roumains. Il n’y a pas de différence majeure entre les sifflets de Pucheni et ceux du centre potier voisin de Pisc, les mêmes figurines zoomorphes ou anthropomorphes y étant réalisées de façon stylisée.
Vlădeşti
Le village de Vlădeşti dans le județ d’Argeș ne regroupait plus que trois potiers à la fin du xxe siècle quand il en comptait encore quarante dans les années 1940. À côté d’une production utilitaire souvent associée aux commémorations des morts, les moşii12, c’est un des centres réputés pour la fabrication de sifflets.
La fiche communiquée par le Muzeul de Artǎ Popularǎ avec le sifflet DMH1967.98.72 donne de nombreuses indications sur sa fabrication :
« L’argile extraite des carrières, brisée au maillet, aux impuretés extraites à la main, est passée au crible. Pour obtenir une masse uniforme, on la fait laver en l’aspergeant quelques jours à certains intervalles de temps puis on la pétrit aux talons et on la partage en petites mottes que le potier pétrit à la main. L’argile pour les figurines doit être plus compacte que celle destinée aux poteries. On modèle les figurines à la main. Les sifflets sont utilisés comme jouets pour les enfants du village et du district. »
Les fiches précisent encore que ces figurines maintiennent les formes du Néolithique mais que le sens magique qu’elles avaient à cette époque est perdu. Cette affirmation est courante quand il s’agit des sifflets en terre cuite mais rarement prouvée par l’archéologie. Cependant elle est possible dans le cas de cette région de Roumanie où les sifflets du Néolithique sont effectivement semblables à ceux de la période moderne.
Le nom du potier n’est pas précisé, mais il est probable que ce sifflet a été produit par Dumitru Şchiopu (né en 1926), qui fabriquait encore dans ce village dans les années 1990 des sifflets en parallèle d’une production utilitaire traditionnelle13. Un autre jouet en forme d’oiseau de la même collection (DMH1967.98.75) a d’ailleurs été fabriqué par ce potier, si l’on en croit la fiche d’inventaire.
Olténie
L’Olténie occupe l’ouest de la plaine roumaine. Horezu et Oboga sont aujourd’hui les centres potiers les plus connus de cette région mais, en 1930, on dénombrait dix-sept centres où travaillaient plus de huit cents potiers.
Oboga
Situé dans le județ d’Olt, Oboga est, avec Horezu, un des centres potiers les plus renommés d’Olténie. Oboga est célèbre pour la qualité de ses pichets et gourdes de noces zoomorphes et anthropomorphes.
L’ancienne production céramique de ce village est de grande qualité : elle était destinée, au xixe siècle, aux familles nobles de la région. Avant guerre, cette commune regroupait encore près de deux cents potiers.
De nombreux sifflets anthropomorphes ou zoomorphes y étaient fabriqués. Il s’agit souvent d’animaux au cou exagérément allongé mais aussi de figurines féminines portant sous le bras un sifflet tubulaire14. On trouve aussi des hybrides réalisés à partir d’une base au corps de quadrupède sur lequel est ajouté le buste d’un personnage (ill. 8). Ces sifflets sont le plus souvent en terre vernissée d’émail au plomb coloré sur un fond d’engobe blanc. On trouve également des sifflets à eau en forme de cruche. Le sifflet 1956.126.180 de la collection du MuCEM est représentatif des sifflets à eau de ce centre au début du xxe siècle.
Parmi la vingtaine de potiers qui exerçaient encore à la fin du xxe siècle, Marin Truşcă, né en 1922, était un des seuls à produire, dans les années 1990, des sifflets dans le village voisin de Româna15.
1 Ce sifflet est présenté dans le texte général « Quelques éléments sur l’histoire des sifflets en terre cuite ».
2 Sifflet de Tószeg conservé au Musée national de Budapest.
3 Nous parlons ici de la Moldavie occidentale roumaine qui couvre 8 județe (l'équivalent d’un département) et non de la république de Moldavie.
4 Barbu Slatineanu, Paul H. Stahl et Paul Petrescu, Arta populara in republica populara romina. Ceramica, Editura de stat pentru literatura si arta, 1958, p. 65.
5 Voir l’illustration 1 du texte sur la Transylvanie.
6 Denis Chevallier (dir.), Poteries roumaines. Art et tradition, Paris, Somogy Éditions d’art, 1998, p. 36.
7 Ibid., p. 56-57.
8 Ibid., p. 84-85.
9 On peut par exemple constater ces différences en observant que les mêmes sifflets attribués à Pisc ou Pucheni dans l’ouvrage de Barbu Slatineanu, Paul H. Stahl et Paul Petrescu (op. cit., p. 138) sont attribués à Oboga dans Corina Nicolescu et Paul Petrescu, Ceramica romaneasca traditionala (Bucarest, Ed. Meridiane, 1974, ill. 120).
10 Corina Mihǎescu, « Pisc, judeţul Ilfov », DATINI: revista de cultura, no 3 (28), Ed. Centrul National al Creatiei Populare, 1998, p. 21.
11 Barbu Slatineanu, Paul H. Stahl et Paul Petrescu, op. cit., p. 132-133.
13 Denis Chevallier, op. cit., p. 92-93.
14 Barbu Slatineanu, Paul H. Stahl et Paul Petrescu, op. cit., ill. 103 et 104.
15 Denis Chevallier, op. cit., p. 80-83.
© Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2014