Lettonie

La collection du MuCEM comprend six sifflets originaires de Lettonie. Ces sifflets ont été donnés au musée de l’Homme par le gouvernement letton en 1939 (coll. DMH1939.47). Plusieurs d’entre eux portent l’inscription « VVM » pour « Valsts Vēsturiskais Muzejs », nom donné en 1924 au musée national d’Histoire de Lettonie fondé en 1869 par la Société lettonne de Riga. Ce musée a probablement été chargé de la collecte d’objets ethnographiques pour le musée de l’Homme.

La qualité plastique de ces sifflets est remarquable ; ils ont sans doute été modelés par Andrejs Paulāns (1896-1973), un des maîtres de l’art populaire letton qui avait obtenu la médaille d’or à l’Exposition d’art populaire à Paris en 1937.

Chaque région de Lettonie a développé une poterie avec un style particulier : pots massifs aux formes archaïques de Vidzeme, grandes cruches de Kurzeme et poterie glaçurée et de forme souvent baroque de Latgale connue pour ses vases, cruches, chandeliers et ses sifflets en terre cuite1.

En 2001-2002, une exposition au musée de l’Homme, organisée en collaboration avec le musée national d’Histoire de Lettonie, a permis de faire connaître au public français cette culture très ancienne. La Lettonie fut l'un des derniers pays d'Europe où les cultes païens étaient pratiqués (la conversion de la Lettonie eut lieu vers 1220)2. Dans ce pays vivaient les Lives, un des plus anciens peuples européens, mais aussi les Coures, les Semgales et les Lettes, établis dans l’est de la Lettonie, dans la région actuelle de la Latgale où sont justement produits les sifflets.

Cette région a connu de nombreuses influences. Les Lettes étaient voisins des Slaves qui firent de nombreuses incursions sur leur territoire. Puis, durant le xviie siècle, chassés par l’Église orthodoxe à l’issue de la Réforme, des milliers de Russes vieux-croyants s’établirent dans la partie orientale de la Lettonie à l’écart de la population locale. Enfin, la Latgale a été parfois intégrée à la Pologne ou à la Russie. N’ayant pas trouvé de témoignages sur l’ancienne production de sifflets en Lettonie, il est impossible de savoir si les sifflets relèvent de la culture des Lettes ou de la culture slave, ce que pourrait laisser supposer la présence de sifflets en forme de cheval très présents en Russie, Pologne et Ukraine.

La production de sifflets est toujours vivante dans la région de la Latgale.

Latgale

La région de la Latgale est particulièrement connue pour la qualité de sa poterie. Les objets, vases, chandeliers, jouets et sifflets sont souvent ornés de sculptures modelées. Fréquemment, des motifs zoomorphes viennent décorer la panse des récipients ou les tiges des chandeliers. Les glaçures les plus courantes sont le vert et le brun.

La province de Rezneke est le centre de cette production et les sifflets de Lettonie de la collection du MuCEM proviennent tous de cette région.

Les sifflets du xixe siècle de cette même région sont en terre non glaçurée décorée de dessins géométriques à l’engobe blanc mais la forme des animaux est identique à celle des sifflets entrés en 1939 dans les collections. On y note aussi de simples flûtes tubulaires.

Lors de l’exposition en 2001-2002 au musée de l’Homme des collections du musée national de Lettonie, un sifflet en forme de cheval et une flûte tubulaire de la fin du xixe siècle ont été présentés. Ces sifflets ont été faits par Izidors Paulāns (1860-1934), père d’Andrejs, auteur des sifflets de la collection du MuCEM3.

La production régionale comportait aussi des sifflets à eau lakstīgalas (« rossignols ») dont les collections du Latgales kultūrvēstures muzejs de Rēzekne présentent plusieurs exemplaires.

Silajāņi (district de Rēzekne)

C’est le lieu où Andrejs Paulāns (1896-1973), un des plus célèbres potiers lettons et sans doute l’auteur des sifflets de la collection du MuCEM, était établi.

Ce potier appartenait au « groupe de Silajāņi », nom donné à la principale école d’artistes céramistes de Latgale. Avec Polikarps Vilcāns, ils furent parmi les premiers à faire connaître internationalement leur production dans les années 1920 à 1930. D’autres potiers de ce groupe ont également été des maîtres tels que Polikarps Čerņavskis, ou Antons Ušpelis (1912-1993), qui travailla dans la lignée d’Andrejs Paulāns.

La production de sifflets est toujours assurée par les représentants actuels de ces dynasties de potiers.

1 Alexander Kantsedikas, Tatiana Razina et Nathalia Tcherkassova, Les Arts traditionnels en Union Soviétique, Paris, Sté Nlle des Éd. du Chêne, 1990, p. 333.

2 Arnis Radiņš, Una Balode et Ilze Ziņğite, Latvija La Lettonie. Collections du musée national de Lettonie, cat. exp. Éd. du Muséum national d’histoire naturelle, 2001.

3 Ibid., p. 87.