Tchéquie
Un seul sifflet venant de la République tchèque appartient à la collection du MuCEM. Acquis en 1959 à la Foire de Paris (DMH1959.27.7), il provient de Tupesy en Moravie et doit être considéré comme un jouet destiné à l’exportation et au tourisme, reprenant les modèles anciens de cette région.
La production de sifflets en terre cuite est peu mentionnée dans la bibliographie sur l’art populaire en Tchécoslovaquie, contrairement à celle des jouets en bois, parmi lesquels des sifflets. Constituant une des spécialités de plusieurs villes de Bohême et de Moravie au xixe siècle, ils furent largement exportés. Leur production fut importante jusqu’au début du xxe siècle comme en témoignent de nombreux sifflets des musées tchèques reproduits dans l’ouvrage d’Emanuel Hercík sur les jouets populaires1.
Histoire
La production ancienne de République tchèque est connue par un sifflet trouvé à Prague daté du xviie siècle2. Il s’agit d’un sifflet à eau en forme d’oiseau, réalisé au tour et proche de nombreux sifflets de la même époque, en forme de poule ou d’oiseau, venant de Košolná, village de l’ouest de la Slovaquie dans la région de Trnava.
D’autres modèles plus originaux sont présentés au musée de Brno. C’est le cas d’un sifflet en forme de singe avec son petit, de la fin du xixe siècle et venant de Moravie du Sud, ou d’un sifflet à eau en forme de cochon3.
Au début du xxe siècle à Klatovy, la production de coucous est encore assurée. Ces sifflets globulaires en forme de demi-sphères reprennent un modèle produit également en Suisse, Hongrie et Alsace.
Lieux de production
Il est probable que de nombreux centres potiers de Tchéquie ont fabriqué des sifflets, mais les modèles identifiés proviennent uniquement de Moravie. C’est également dans cette région que leur utilisation est attestée au début du xxe siècle.
La vente : Noël et la messe de minuit
Jan Tykač, fondateur en 1888 du musée de Česká Třebová (région de Pardubice), indique dans un article publié en 19134 que ces sifflets en terre cuite étaient indissociables de Noël. À la messe de minuit, raconte-t-il, le son des píšťalka (sifflets globulaires aussi appelés žežulka qui est le nom populaire du coucou) et des slavíček (« rossignols ») résonnait au moment où le prêtre annonçait la naissance du Seigneur.
Il cite également le folkloriste František Bartoš (1837-1906) qui rapporte que des sifflets à eau en forme de vase étaient également utilisés le matin de Noël en Moravie où ils accompagnaient les chants traditionnels.
Ces coutumes devaient déjà être anciennes au début du xxe siècle, car l’auteur introduit son article en précisant qu’il n’y a plus de potiers dans la région, alors qu’il y en avait encore partout quatre-vingts ans plus tôt.
Moravie
La Moravie, située dans l’est de la République tchèque, a fait preuve d’une importante production de céramique. Les musées de Brno et de Klatovy possèdent plusieurs sifflets en forme d’oiseau. Cet artisanat a presque disparu au xixe siècle, peut-être à cause de l’émigration importante des potiers moraves vers les États-Unis à la fin du xviiie siècle. Les sifflets en terre cuite du xixe siècle, présents dans les grands musées américains, témoignent ainsi de cette tradition. La poterie en terre vernissée y est d’ailleurs appelée moravian pottery.
Tupesy
Tupesy, centre faïencier du district d’Uherské Hradiště, dans la région de Zlín en Moravie, est aujourd’hui un centre renommé pour sa production de sifflets contemporains.
La production céramique était importante dans ce village depuis le xvie siècle, mais elle connut un fort déclin au xixe siècle et ne fut réintroduite qu’au début du xxe siècle par des artisans désireux de retrouver les anciens savoir-faire. Tupesy a alors produit des sifflets au cours de la deuxième moitié du xxe siècle. Leur décor reprend les motifs colorés de la poterie morave traditionnelle.
Le sifflet de la collection du MuCEM a été réalisé vers 1959 par l’entreprise d’État Keramika Tupesy qui, à l’époque socialiste, produisait (et produit toujours) des faïences aux décors traditionnels. Plusieurs modèles de sifflets ont été réalisés pour le tourisme et la vente à l’étranger (ill. 1), assurée, pendant la période de la République, par la coopérative UNICOOP.
1 Emanuel Hercík, Folk-toys. Les jouets populaires, Prague, Ed. Artia, 1949, p. 52-53, ill. planche 9-11 et 17.
2 Ibid., planche 11.
3 Ibid., planche 10.
4 Jan Tykač, « Hrnčíři v České Třebové », Národopisný Věstník Českoslovanský, Revue d’ethnographie tchécoslave, vol. VIII, Prague, 1913, p. 81 et p. 83 : illustration d’un slavíček.
© Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2014