Macédoine
La collection du MuCEM comporte trois sifflets de Macédoine. Deux ont été collectés par Colette Janković sur un marché de la capitale Skopje en 1952 (coll. DMH1955.59) et le dernier a été ramené suite à une mission du musée de l’Homme en 1975 (coll. DMH1975.130).
La production de sifflets en Macédoine est ancienne et un sifflet globulaire piriforme sans conduit d’insufflation, du Néolithique, a été découvert récemment dans ce pays. Cependant la production ultérieure est très mal connue dans les différents centres potiers du pays : Resen, Vraneštica, Vélès, Debar, Struga, Besovo et Skopje. On sait seulement que les trois premiers ont produit des sifflets en terre cuite.
À Resen, en Pélagonie, on faisait encore dans les années 1960 des sifflets en forme de poule au corps allongé, modelés simplement en terre vernissée. En témoigne un sifflet conservé au musée de Berlin (inv. II B 66561).
Les sifflets de Vraneštica sont surtout connus par les cruches à sifflet modernes dont la forme perpétue sans doute des modèles plus anciens. Mais des sifflets en forme d’oiseau dans lesquels le sifflet est inséré à la base pourraient également provenir de ce centre.
Les sifflets de Vélès, enfin, se vendaient au milieu du xxe siècle sur les marchés de Skopje comme en témoigne la collection du MuCEM.
Dans le cadre des recherches pour la rédaction de ce catalogue, aucune bibliographie permettant de connaître les formes des sifflets de ce pays et leur usage n’a été trouvée.
Région du Sud-Ouest
Région statistique frontalière de la Macédoine, Vraneštica et Debar sont les principaux centres potiers de cette région, mais seule la production de sifflets de Vraneštica est connue. Compte tenu de l’importance de Debar comme centre potier, il est probable qu’une production de sifflets y a été réalisée mais elle reste à identifier.
Vraneštica
Le village de Vraneštica (Вранештица), dans la région du Sud-Ouest, était dédié à la poterie et près du tiers des deux cents familles vivaient de cette activité au début du xxe siècle.
Une cruche dont une anse se termine par un sifflet (coll. DMH1975.130) a été collectée lors d’une mission du musée de l’Homme conduite par Monette Ribeyrol dans cette localité.
Ces cruches à sifflets sont aujourd’hui vendues comme souvenirs touristiques et le décor floral peint est souvent complété par l’inscription « MACEDONIA » mais la forme de ce sifflet est ancienne. Ces sifflets en forme de cruches vernissées brun foncé peuvent avoir des formes variées (pichets à une anse, cruches à deux, trois ou quatre anses) et portent des noms différents selon leurs formes et usages (bardak, grgulka, bukure, etc.). D’autres formes de sifflets, également décorés de motifs peints, pourraient venir du même endroit, un des derniers centres potiers de Macédoine en activité (ill. 1).
Le terme de buljurče qui désigne certaines cruches à alcool est celui rapporté pour ce sifflet par Monette Ribeyrol. Généralement, l’une des anses sert à aspirer le liquide et le sifflet se trouve en haut d’une autre anse ou sur le bec verseur.
Les buljurče ou grgulka recueillies pendant la mission du musée de l’Homme sont des cruches à plusieurs anses dont l’une est souvent munie d’un goulot. Elles portent fréquemment des inscriptions à la mémoire d’un défunt et étaient alors utilisées pour les cérémonies individuelles de commémoration de la mort d’un homme ou pour la cérémonie collective de Duhovden (la fête des morts) en juin.
Monette Ribeyrol n’a pas précisé si les sifflets étaient également utilisés dans ce cadre. Lors de la collecte du sifflet, elle note seulement que le sifflet est en forme d’oiseau. Ce point lui a certainement été précisé lors de son achat car l’aspect aviforme du sifflet n’est que suggéré. Sa présence sur ces cruches renforcerait alors la fonction rituelle de ces objets, l’oiseau se voyant souvent attribuer un caractère psychopompe.
Région du Vardar
Vélès est le principal centre potier de cette région dont le nom provient du fleuve qui la traverse sur un axe nord-sud depuis le centre du pays jusqu’à la frontière grecque. C’est à proximité de cette ville, sur le site néolithique de Mramor, qu’a été trouvé un sifflet globulaire daté de 4500 av. J-C.
Vélès
Située au centre de la Macédoine, Vélès fut un centre important de poterie. Une usine de faïence y est toujours active. Dans les années 1880, il y avait encore une vingtaine d’ateliers dont beaucoup disparurent avec l’arrivée du chemin de fer et des produits industriels. Au début du xxe siècle, seuls subsistaient trois ou quatre ateliers. Un des potiers les plus célèbres de cette localité fut Kočo Ratsin, né Kosta Solev, poète révolutionnaire considéré comme fondateur de la littérature macédonienne moderne. Né en 1908 dans une famille de potiers de Vélès, il dut abandonner l’école à treize ans pour travailler avec son père dans l’atelier.
Deux sifflets (DMH1955.59.1409 et DMH1955.59.1410) ont été acquis par Colette Janković au marché de Skopje en 1952 pour vingt dinars pièce, pour lesquels elle précise qu’ils venaient d’un potier de Vélès. L’un d’eux est en forme de cigogne, espèce répandue dans cette région, refuge d’oiseaux rares. En Bulgarie voisine, les cigognes symbolisent le printemps qui revient, et on y rencontre également des sifflets en forme de cigogne rappelant le sifflet de la collection du MuCEM (ill. 2). Le caractère symbolique de ces sifflets en forme de poule et de cigogne peut laisser penser qu’ils étaient utilisés lors des fêtes du printemps, à caractère agraire.
1 Heide Nixdorff, Tönender Ton. Tongefäßflöten und Tonpfeifen aus Europa, Berlin, Staatlicher Museen Preußischer Kulturbesitz, 1974, p. 46, notice 55.
© Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2014