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Reproduction d’un sifflet de 1600 trouvé à Lund (Scanie), Cecilia Bynke, vers 1980. Coll. particulière © Pierre Catanès

Ill. 1 : Reproduction d’un sifflet de 1600 trouvé à Lund (Scanie), Cecilia Bynke, vers 1980.
Coll. particulière. © Pierre Catanès

La collection du MuCEM ne comporte que deux sifflets provenant de Suède. Le premier vient d’une collection donnée au MNATP par l’héritière d’un collectionneur de sifflets en 1956 (coll. 1956.126) L’autre a été acheté par le musée de l’Homme en 1951 (coll. DMH1951.77).

Tout deux représentent bien les deux principaux types de la production suédoise : les oiseaux stylisés réalisés au tour, et les oiseaux de forme réaliste moulés.

Histoire

Les sifflets en terre (lergök, de lera, « argile » et gök, « coucou ») sont connus en Suède depuis le xvie siècle, mais il s’agissait surtout de modèles à eau en forme de chouette venus d’Allemagne1 (ill. 1).

Un sifflet trouvé en 2005 dans une épave coulée en 1676 et conservé au Kalmar läns museum, dans la province historique du Småland, témoigne de la production ultérieure suédoise. Il s’agit d’un vattengök (de vatten, « eau » et gök, « coucou ») en forme de poule dont la tête est réaliste, alors que les sifflets du début du xxe siècle ont souvent une tête juste esquissée. Le sifflet est en terre non vernissée, juste décorée de traits d’engobe. D’autres sifflets de cette époque possèdent déjà une tête simplement formée en étirant l’argile d’une extrémité comme pour la production moderne.

Cet aspect très épuré des lergökar (pluriel de lergök) a été conservé jusqu’à nos jours, où cette fabrication demeure très vivante même si les jeunes céramistes introduisent de la fantaisie à côté des modèles traditionnels.

Lieux de production

La production de sifflets en Suède est particulièrement abondante et les musées suédois possèdent d’importantes collections de ces lergökar acquis dès la fin du xixe siècle. Le Suédois Artur Hazélius (1833-1901) entreprend dès 1872 une collecte systématique et de grande envergure dans le but de créer un musée national. Il montre une partie sa collection à l’Exposition universelle de Paris en 1878. En 1880, sa collection prend le nom de « Musée nordique » (Nordiska Museet), riche aujourd’hui de plus de trois cents sifflets en terre cuite2.

Formes

Variété des lergökar en Suède, régions diverses, du début au milieu du XXe siècle. Coll. particulière. © Pierre Catanès

Ill. 2 : Variété des lergökar en Suède, régions diverses, du début au milieu du xxe siècle.
Coll. particulière. © Pierre Catanès

L’immense majorité des sifflets suédois sont globulaires et en forme d’oiseau, même si de rares exemplaires ont une forme de poisson, de tête d’homme ou de divers animaux. De rares sifflets à eau ont également été produits. Le sifflet traditionnel suédois est généralement en terre cuite décorée simplement de traits d’engobe blanc, avec la tête et l’avant du corps engobés de même (ill. 2). Dans quelques régions, ces sifflets sont couverts d’une glaçure verte ou bien réalisés en faïence.

De très nombreux centres potiers ont produit ces sifflets au xxe siècle mais, dans chaque région, le modèle de base présente une caractéristique qui permet de l’identifier. Ainsi, le sifflet d’Ängelholm (Scanie) est le plus connu et se reconnaît tout de suite par sa tête enroulée sur elle-même vers l’arrière. La tête des oiseaux de Falkenberg (Halland) est étirée à l’extrême et les oiseaux d’Arvika (Värmland) ont un corps plus ramassé. À Laholm (Halland), la tête des oiseaux est tournée vers la gauche depuis les années 1920 : un potier, Anders Larsson, a découvert par hasard que cette forme était plus élégante3. Beaucoup de sifflets du xxe siècle portent mention de leur origine incisée, estampée ou écrite à l’engobe : Engelholm, Falkenberg, etc., ainsi que la signature de leur créateur apposée sous le socle.

Gauk norvégien, Sandnes (Rogaland), XXe siècle. Coll. particulière. © Pierre Catanès

Ill. 3 : Gauk norvégien,
Sandnes (Rogaland), xxe siècle.
Coll. particulière. © Pierre Catanès

Il est possible que les sifflets norvègiens soient originaires de Suéde4. La forme du gauk ou leirgjøk réalisée à Sandnes est en effet très proche de celle du lergök (ill. 3). Le potier Cristoffer Zimmermann, venu du Halland en Suède, s’étant installé dans ce lieu en 1790, cette hypothèse est plausible. Ce serait là un des rares cas en Europe où on pourrait dater l’introduction durable d’un modèle de sifflet dans un autre pays.

À côté de cette production artisanale, des sifflets moulés en forme d’oiseau ont été fabriqués en grande quantité dans l’ancienne province de Dalécarlie dès la fin du xixe siècle. Ils étaient en vente dans les catalogues de plusieurs grandes entreprises de céramique. Sous une forme quasi inchangée, ils sont encore produits aujourd’hui.

La vente : jouets ou ocarinas ?

Le terme de lergök n’est pas connu avant 1850 où il est employé dans un conte de Wilhelm Bäckman qui raconte l’histoire d’un lergök et d’une tirelire, frère et sœur nés de la même argile. Les deux ayant été vendus au marché de Noël à un enfant, le lergök sera le premier instrument de musique d’un petit garçon qui, devenu plus tard un musicien célèbre, s’en souviendra encore quand la tirelire terminera dans l’oubli.

Le caractère musical de cet objet est donc très tôt reconnu. Le lergök a évolué peu à peu et certains sifflets d’Ängelholm ont cinq trous de jeu permettant de produire de petites mélodies proches de celles des ocarinas. Il existe même des orchestres de sifflets à Ängelholm (Scanie), lieu le plus connu pour ces objets.

Comme dans d’autres pays, certains des lergökar servent également de tirelires et la majorité de ces sifflets demeurent des jouets pour les enfants. Dans les années 1800, ces jouets étaient offerts par les potiers ambulants ou vendus sur les marchés de printemps pour quelques centimes.

Comté de Gävleborg

La faïencerie Boberg à Gävle est le principal fabricant de sifflets de ce comté, situé dans le centre de la Suède.

Ce comté est voisin de celui de Dalarna (Dalécarlie en français) où des sifflets ont été produits à Nittsjö près de Rättvik, petite ville connue pour son ancienne tradition de musique populaire, et à Leksand. Les modèles de ces trois centres ont des formes très proches. Moulés en forme d’oiseau en terre cuite non vernissée, de très nombreux exemplaires sont sortis des ateliers depuis la fin du xixe siècle, période à laquelle ils sont représentés dans les anciens catalogues de vente. Ils sont toujours produits à Nittsjö et largement diffusés dans le pays.

Le sifflet de la collection du MuCEM porte une étiquette indiquant seulement « Stockholm » comme origine. Son attribution à Gävle a été privilégiée ici, car un sifflet identique du musée de Berlin (II A.3530)5 a été acquis en 1942 dans cette ville et attribué à la production de ce centre.

Värmland

Le sifflet de la collection du MuCEM est caractéristique de la forme des sifflets de cette région : un corps assez court obtenu à partir d’un vase tourné et très peu étiré au moment de le refermer, ainsi qu’une petite tête modelée sommairement, souvent tournée de côté.

Les principaux centres de production de sifflets de ce comté sont situés autour d’Arvika et à Karlstadt.

Långvak

Ce village, situé près de la ville d’Arvika, est le lieu où était établi, dans le lieu-dit Sågmon, l’atelier d’Emanuel Nilsson (1861-1952), auteur du sifflet de la collection du MuCEM.

1 Anders W. Mårtensson, « Lergökar », Kulturen: en årsbok, Lund, 1960, p. 55-71.

2 Marc Maure, « Nation, paysan et musée. La naissance des musées d’ethnographie dans les pays scandinaves (1870-1904) », Terrain, no 20, ministère de la Culture/Maison des sciences de l’homme, 1993, p. 147-157.

3 Christina Lindsall-Nordin, Laholmskeramic föremål och verkstäder i Sydhalland under 300 år, Ed. Lerkvarnen 25, 1999, p. 126-130.

4 Cette information et les suivantes sont tirées du chapitre « Lergökar fra Sverige og Norge » dans Lone Munkgaard, Piv-i-røv. Hulrumsfløjter af ler, Copenhague, Ed. Nationalmuseet, 1985, p. 43-48.

5 Heide Nixdorff, Tönender Ton. Tongefäßflöten und Tonpfeifen aus Europa, Berlin, Staatlicher Museen Preußischer Kulturbesitz, 1974., p. 40, notice 33.